Mercredi 10 mai 2023

Points experts

Banques centrales : Une croissance qui ralentit mais ne s'éffondre pas

UNE CROISSANCE QUI RALENTIT MAIS NE S’EFFONDRE PAS

Les premières données de PIB pour le 1er trimestre 2023 confirment la poursuite du ralentissement de la croissance, aux États-Unis essentiellement du fait d’une contraction de l’investissement résidentiel et en Europe à cause d’une consommation des ménages stagnante et d’un ralentissement de l’investissement. Les dernières données d’enquêtes continuent d’envoyer des signaux contradictoires avec une activité qui poursuit sa progression dans les services et une industrie où la demande a fléchi hormis dans les secteurs qui rattrapent leur retard de production lié aux congestions dans les chaines d’approvisionnement.

Les données de commerce mondial montrent une contraction des volumes d’échange sur les derniers mois et confirment le ralentissement de la demande de biens. Le FMI anticipe une croissance mondiale relativement faible en 2023, +2,8 % et une progression un peu supérieure en 2024 (+3,0 %) mais le ralentissement de 2023 est essentiellement subi par les économies avancées qui voient leur croissance divisée par 2 entre 2022 et 2023.

UNE LENTE DÉSINFLATION

Aux États-Unis, l’inflation a entamé sa baisse depuis son pic à 8,9 % en juin 2022 et a atteint 5,0 % en mars 2023. Mais l’inflation sous-jacente s’élevait encore à 5,6% en mars. Signal encourageant, la composante logement a contribué à la baisse de l’inflation en mars pour la 1ère fois depuis deux ans et cette tendance devrait se renforcer à compter de cet été.

En zone euro, l’inflation a entamé sa baisse à l’automne mais celle-ci a été due quasi-exclusivement à la composante énergie. L’inflation sous-jacente a continué à progresser en début d’année pour atteindre 5,6 % en avril 2023 mais on note toutefois des premiers signaux d’amélioration de l’inflation sous-jacente avec un nombre croissant de composantes qui contribuent à sa baisse par rapport aux mois précédents. Cependant, la visibilité sur sa tendance à court terme reste relativement faible et dépendra en partie de l’évolution des salaires et des prix des services dans la zone euro. La BCE a également mis en avant la progression des marges des entreprises comme un des facteurs explicatifs de la hausse de l’inflation. Là encore, la visibilité sur la capacité des entreprises à poursuivre la hausse de leurs marges reste faible.

Au Japon, l’inflation a également connu une progression au cours des derniers mois avec une inflation totale qui s’est établie à 3,3 % en mars et une inflation hors énergie et alimentation à 3,8 % au plus haut niveau depuis 1981 !

LES DÉCALAGES DE CYCLES DE BANQUES CENTRALES

La Fed a entamé son cycle de hausses de taux dès mars 2022 et a relevé ses taux directeurs de 500 bps. Sauf surprise sur les futures données d’inflation, elle ne devrait plus relever ses taux. En effet, la Fed a pris acte du durcissement des conditions de crédit, qui était déjà à l’œuvre avec les défaillances bancaires de mars et avril.

La BCE devrait, quant à elle, poursuivre son resserrement monétaire jusqu’en juillet et relever encore ses taux deux fois de 25 bp. Dans sa prise de décision, elle s’attachera notamment à trois facteurs : les perspectives d’inflation, la dynamique de l’inflation sous-jacente et la rapidité avec laquelle les augmentations de taux freinent l’économie et font baisser l’inflation. Si l’inflation totale devrait poursuivre sa baisse dans les prochains mois grâce à la baisse des prix de l’énergie, la BCE s’inquiète de la vigueur de l’inflation sousjacente. Les derniers accords salariaux négociés en zone euro sur des bases de progression des salaires de 5 % lui apparaissent comme incompatibles avec la cible d’inflation à 2 %. Le resserrement des conditions de crédit constitue un élément qui freinera la BCE.

Enfin, la Banque du Japon est la seule banque centrale qui a maintenu une politique monétaire extrêmement accommodante en 2022/2023. Pour son 1er conseil de politique monétaire fin avril, le nouveau gouverneur de la Banque du Japon, Kazuo Ueda, a conservé sa politique de contrôle de la courbe des taux inchangée (borne de fluctuation de 50 bps autour de 0% pour le taux 10 ans), même s’il a obtenu la suppression de la mention de « taux aux niveaux actuels ou plus bas » sur une période prolongée.

La BoJ veut que le dépassement de l’objectif d’inflation de 2 % soit réalisé de manière stable et s’accompagne de hausses de salaires avant d’infléchir sa politique. Ueda a annoncé une large revue de la politique monétaire à horizon 12-18 mois qui reviendra notamment sur les mesures prises au cours des 25 dernières années et leurs interactions avec l’activité économique, les prix et le secteur financier. Cela éloigne dans le temps un changement de politique monétaire de la BoJ.

Par rapport aux perspectives de début d’année, la croissance a montré une résilience inattendue grâce à une amélioration spectaculaire sur les marchés de l’énergie. L’inflation a continué à surprendre par sa vigueur, cette fois sur sa composante sous-jacente conduisant les banques centrales à poursuivre un resserrement monétaire particulièrement agressif. L’incertitude actuelle est forte quant à leur capacité à achever leur cycle de hausses sans provoquer de récession.

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Juliette Cohen, Stratégiste

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